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Les Battements d’Ailes, poésie hautement sensible de Jeanne Morisseau
Silence, vibration, poésie et beauté. Les Battements d’Ailes de Jeanne Morisseau s’élève à la façon d’une confidence murmurée à l’oreille du monde. Un disque époumoné, au milieu des bruits algorithmiques, un recueil d’ombres douces et de clartés fugitives, une traversée intime de l’ère, du temps, d’hier, d’aujourd’hui, de l’être infiniment important, où la musique épouse les plis d’une mémoire froissée par les tremblements du cœur déplumé.
Doucement, attentivement. Dès les premières notes, une impression d’abandon serein s’installe.
Jeanne Morisseau avec un chant délicat confie. Sa voix, douce comme une étoffe passée au vent
de la mélancolie, oscille entre fragilité et tendresse, entre blessure ouverte et frisson retenu.
Représentatif de son univers poétique et musical, elle nous parle depuis un lieu enfoui, celui où
les émotions vivent sans nom : la mélancolie, comme chantait Ferré, le vertige, comme chante Camille, La douceur,
comme chante Dominique A, autant de reconnaissances de renaissances secrètes de qui rime avec l’amour. Un Spoken word en français, quelque chose de noir en bonus.
Dans L’eau qui coule en moi, nous sommes conviés à un dialogue intérieur où les souvenirs affleurent sans heurts.
Chaque chanson semble une tentative d’apprivoiser l’indicible : la perte, l’élan amoureux, les liens invisibles qui nous
relient aux autres et à nous-mêmes. C’est là que se joue la force psychologique de l’album, dans sa capacité à éveiller
des échos enfouis, à poser des mots justes sur les vacillements de l’existence.
Les guitares de Christophe Jouanno, délicates comme des plumes sur une peau juvénile, accompagnent cette introspection
sans jamais la contraindre. Les arrangements, sobres et d’une élégance sincère, laissent respirer le texte, qui devient
alors le fil d’Ariane d’une exploration subtile de la psyché. La voix de Jeanne Morisseau enregistrée sous la direction
de Jean-Charles Versari, apporte la touche esthétique finale.
Là où tant d’œuvres s’évertuent à en dire trop sur le chaos, Jeanne Morisseau choisit l’écho pour faire battre le tremblement mouvant.
Elle chante l’espoir à peine né, les amours inachevés, l’intuition divine dans les détails, dans les petits maux. Son écriture,
limpide et suspendue, dit l’indicible avec une pudeur bouleversante, comme si chaque mot portait la trace d’un silence qu’elle
aurait longuement écouté avant d’oser le rompre.
Les figures angéliques qui traversent l’album : messagers, guides, reflets du soi caché, ne sont pas des symboles anodins.
Ce sont des parts de nous-mêmes, des fragments de courage, de doute, qui déploient leurs ailes au moment où nous baissons
la garde. À travers eux, Morisseau nous tend un miroir d’une beauté saisissante.
Ce disque rappelle que la sensibilité n’est pas une faiblesse, mais la preuve vibrante d’un esprit attentif, vif, nu.
Il accueille, il enveloppe, il murmure à chacun qu’il a le droit d’exister pleinement, même dans le bruit.
Un refuge, aussi. Un envol possible, la preuve que l’art peut encore être un lieu de vérité sensible, une passerelle entre
les cœurs, et un rappel que nos failles sont les points d’entrée de la lumière.