Jeanne Morisseau par Anne-Cécile Causse - 26/03/2023

Parcours


Les prémices

Jeanne Morisseau, originaire du Val-d’Oise, est peut-être plus connue pour sa musique que pour ses livres, et c’est effectivement par-là que son atypique parcours artistique a commencé. Très tôt, Jeanne commence un journal intime et compose à la guitare des chansons qu’elle garde secrètes, les jugeant trop intimistes. C’est en 1992 qu’elle va vers le monde avec ses différents projets folk rock cachant sa sensibilité derrière des textes en anglais, sous le pseudonyme de Jane – sa première apparition scénique, lors d’une writers night à Nashville, TN en 1995 (Des démos : Soothing/1994, Chicago/1995, Moon Enlightened/1996, Live à Maurepas/1996).


Passé rock

Créé en 1992 autour des chansons de Jeanne, et après quelques démos (Easter, Bunch of Roses, Twin Peaks Trail, Pleasure Riser, Plagiarizer, Live Reports), son groupe rock, fondé avec son frère Jean-Christophe Morisseau à la guitare électrique, Easter/X.easter/Cassielle sort son premier EP, Trust Me, suivi de Cassielle (2000), année du split du groupe. Mais en 2011, Jeanne, qui n’en a pas tout à fait fini avec l’expérience de groupe, rejoint le combo pop rock de son ami Patrice Favre, The Lem’s, finaliste du tremplin Emergenza 2012/2013. Le groupe splitte en 2015 après avoir sorti un EP 5 titres, Il est grand temps.


Carrière solo

En 1998, après quelques concerts déclencheurs aux USA, quand elle passe à la langue française, c’est l’envol de ses poèmes chantés qui l’incite à travailler sa voix de haute tessiture. Surgit alors en elle une veine extrêmement classique dans les formes qu’elle aborde. Est-ce d’avoir chanté Rimbaud, Hugo, Baudelaire, ou Verlaine, elle étonne par la force émotionnelle des chansons à texte qu’elle compose sur sa guitare. C’est en 1996 que le guitariste Christophe Jouanno commence à travailler avec elle (en tant que guitariste, arrangeur et ingénieur du son) au cœur d’un projet éphémère en français, Alian Brazen. Il ne la quittera plus. Après plusieurs disques auto-produits, comme le charnel autant que spirituel T’es ma branche (2006), l’aérien Duo des poètes, volet I opposant Hugo à Patrice de le Tour du Pin (2007), l’éclectique Noisettes folles (2001), ou le road trip amoureux La Léatitude (1998), et autres projets d’albums – Bleu (entre 2000 et 2002), La trilogie de l’âme sœur (en 2002, dont est extrait l’album T’es ma branche), Si chaque jour, tu viens (2007), La maison de Pablo et de Clara pour le cinéma (2005), Onze chansons sous un arbre (2005), ou maquettes – Kythira (2000), Le duo des poète, volet II opposant Hugo et Baudelaire (2004), Le duo des poète, volet III opposant Hugo et Verlaine (2004), Sur la route d’Orphée (2005, pour le théâtre), Chansons fleuves (2006), Chansons partisanes (2007), Les 3 French Lieder (2008, mise en mots de mélodies de Brahms et Schumann), Birds (2009) – qui leur succédèrent, le fameux duo nous revient enfin avec ce tout nouvel opus qui s’amorça en 2019, Les battements d’ailes.
N.B. : Certains de ces projets d’album se seraient perdus.


Les battements d’ailes

Cet album de 16 titres, offrant 70 minutes de poésie non-stop, est sans conteste l’album le plus abouti de la chanteuse. Christophe Jouanno y compose 7 superbes mélodies, ce qui élargit encore le spectre émotionnel qu’offre cet album, véritable hymne à l’amour et l’altérité qui capte l’auditeur par sa beauté musicale et la voix unique de Jeanne, tel un solaire voyage intérieur, empreint de sensibilité toute féminine, environné souvent de nature sauvage voire océane, lequel rime avec l’univers. Mais l’art de cette artiste complète ne s’arrête pas à l’écriture ou l’interprétation, elle excelle aussi dans la peinture, la photographie, la poésie seule et les romans.


L’écriture

C’est après un premier recueil – À l’est – d’une étrange densité en écriture, et dont la quête de l’Éden est la clef de voûte, paru en avril 2015 aux Éditions Unicité, et après la parution d’un recueil de poésie (Eaux d’avant, Échappée Belle Édition, septembre 2015) que Jeanne Morisseau nous est revenue avec son second roman, incrusté de poèmes, au titre annonciateur de beauté et de douceur : Mauve avant (mars 2017). En 2020, avec son nouveau recueil de poésie (toujours aux Éditions Unicité), Jeanne compile des poèmes récents inédits à l’écriture classique ciselée et éthérée qu’elle range sous une première partie intitulée Beiges, blancs, gris, tandis qu’elle range, dans une seconde partie – Promenade avec l’ange – des textes d’anciennes chansons oubliées. La romancière travaille actuellement à l’élaboration d’un recueil de nouvelles.


L’aquarelle

Des peintures qui font voyager dans les paysages et le monde intime de Jeanne Morisseau, donnant à voir le regard singulier qu’elle porte sur le réel ; des images empreintes d’une poésie sensible et d’une énergie vivifiante. Quand Jeanne n’écrit pas, elle peint, ce qui fait de ce nouveau disque, Les battements d’ailes, avec ses oiseaux, paysages nordique ou hivernaux un prodige visuel. Une exposition est prévue en novembre 2023.
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La photographie

Vécue davantage comme un hobby qu’une autre sphère artistique, Jeanne Morisseau fait de la photographie. À l’écart des portraits, qui sont pour elle un espace souvent privé, elle joue, usant de la beauté des paysages, de la superposition avec une précision chirurgicale pour amener l’observateur à s’évader dans le rêve d’une photographie devenue peinture. Quand elle ne peint pas, et qu’elle écrit, la photographie est souvent un moyen rapide et instantané d’expression, d’où ses séries de photos estivales.
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Mots oubliés retrouvés

Il est tout bonnement fou l’album de Jeanne Morisseau que je me suis procuré hier, hier à cette fête de la musique où nous partagions tous deux une scène, scène de rue, scène de vie, par l’entremise de Yan Kouton. Tout bonnement fou cet album, T’es ma branche, sorti en 2006, que je lui ai acheté hier, en 2021, par curiosité et plaisir du partage, juste après qu’elle ait pris pareille initiative avec le mien. J’en étais même pas rendu à la moitié que j’étais terrassé d'un terrible constat, car oui je n'ose même pas dire ressenti tellement cela s’imposait à moi : watcha ! Et là, au moment même où je vous écris sans savoir à qui j’écris et si j’écris à quelqu'un, au moment même où j’écris ces mots pour rassembler mes esprits et témoigner de ma sidération, l’album vient tout juste de se terminer. 12 morceaux. 68 minutes. Rien à jeter. Et je le laisse repartir de lui-même en toute majesté.

« Il existe des connexions spéciales / Entre nous tous quelque chose se passe / L’amour profond nous fait nous dire je t’aime / Ceux qui savent sont déjà au paradis... » (Ne me quitte plus)

J’en suis encore tout abasourdi. Il y a tellement de choses réunies en symbiose, textes, chants, musiques et arrangements, tellement de jeu, de richesse, de vécu et pourtant de légèreté que c’en est dingue. Dingue. Dingue. Si la seconde moitié du disque maintient toute cette magie alors il ne reste par exemple rien de Patti Smith, me disais-je. Rien, rien, rien. Scrunch. C’est un autre niveau là. Rien. Rien. Rien. Rien. Il n’y a plus rien après une telle écoute. C’est les Cocteau Twins allés avec Ferré et même ça encore… Je comprends pas ce qui se passe. Comment avez-vous fait ça ? ai-je envie de lui dire. C’est un des plus beaux albums qu’il m'ait été donné d’écouter. Alors je le lui dit. Et j'attends. Éconduit exaucé comme le vent. On ne dira jamais assez combien les américains savent vendre un truc. A commencer par la culture, à commencer par le rock, sans pour autant faire passer des vessies pour des... quoique. Mais revenons à nos moutons et prenons par exemple l’album que j’ai acheté ce 21 juin 2021 lors de la Fête de la musique ou plutôt, devrais-je dire, du solstice d’été, prenez ce disque T’es ma branche de Jeanne Morisseau, que je me suis procuré des mains même de l’artiste alors qu’on partageait la même branche scénique, la rue, devant L’Atelier des Vertus ; ce disque alors que j’aurais très bien pu, comme dans un conte où le chemin, proposant une bifurcation, expose le héros au choix, en prendre un autre. À savoir, pour tout vous dire, Le duo des poètes (volet 1), où, toujours en compagnie de Christophe Jouanno (enregistrement, guitare, basse, prog, rythme), Jean-Christophe Morisseau (guitare électrique) et Eric Signor (clavier, accordéon), interprète des textes « tendres et bucoliques » d’Arthur Rimbaud et ceux « mystiques et visionnaires » du plus méconnu Patrice de la Tour du Pin, poète du 20e siècle ; mais non j’ai choisi T’es ma branche parce qu’à ma question « Lequel tu me conseilles ? » elle m’a répond celui-ci « parce que ce sont des compos ». Et ce disque est génial. J’ai mille fois bien fait d’opter pour ses propres textes et compositions. Mais alors le contenu, l’invisible, si vous saviez comme il est divin. C’est dingue de se dire, pardon de voir, que ce genre d’album existe et de se dire, de savoir, qu’ils sont restés au stade de chose auto-produite et très confidentielle. Ces deux albums suscités sont tous deux sortis il y a 15 ans à un an d’intervalle. C’est dingue. Mais beau. Peut-être aussi là que réside leur beauté. Qu’ils n’auraient pas pu être avec un autre rassemblement de paramètres et de talents. Que T’es ma branche ne serait pas ce qu’il est si l’auteur avait pensé à le confier à quelqu’un pour soigner la pochette. L’image. Et ainsi mieux attirer le regard et vendre. Ils ont ça pour eux les américains et c’est pour ça que la culture pop c’est leur truc et que ça s’adresse beaucoup aux yeux et aux enfants qu’on reste de plus en plus longtemps et pas forcément que dans le bon sens du terme : ils savent ou ont su faire les nouvelles belles images, c’est-à-dire icônes, que la nouvelle génération appelait de ses vœux. Revêti nos archétypes d’un nouveau corps amoureux. Alors on a gobé. On est beaucoup à avoir gobé. Et parfois à raison parce que oui, dès que les américains ont tenu un bout de poète ou de poétesse potables comment vouliez-vous lutter ? Avec leur cocktail de poésie et d’image, de présence physique et de fée électricité il nous ont niqué. Ou envoûté. Et on s’est fait enfler. Jusqu’à aujourd’hui hein. Ils ont ça les américains, et les anglosaxons par extension. L’emballage, le marketing. Ce qu’a donc une Patti Smith et tout ce qui va avec. L’attitude et le storytelling. L’oralité et l’aura physique. L’animalité du rock, d’avoir été là, bien là, en phase, branchée à son époque. Mais la vérité c’est qu’au-delà de tout ça et de ce qu’elle est à juste titre, Patti Smith n’a aucun album qui arrive à la cheville du T’es ma branche de Jeanne Morisseau. Pas même Horses. Il faut le dire car personne ne l’a dit. Or cela est. Jeanne, ou son album ou les deux, ont la grâce. Oui, cet album presque littéralement inouï a la beauté des albums en suspension, sans image, la beauté de ces choses passées sous silence, oubliées des radars et qui vous touchent au-delà. Et dire que j’ai failli ne pas acheter ce disque, T’es ma branche de Jeanne Morisseau. Parce que je ne connaissais pas l’artiste, son œuvre, et que la pochette de l’objet ne m’inspirait pas. Dire que j’ai failli en faire l’économie pour le second motif qu’elle venait d’acheter mon disque et que je ne voulais pas prêter le flanc à cette coutume faussement bisounours du « Ah, tu as acheté mon disque alors j’achète le tien. » Ce moment d’inconscience et ce réflexe parfois hypocrite qui a lieu entre artistes galériens. Ou confidentiels disons. Je ne voulais pas tomber là-dedans mais prendre un temps pour en ressentir l’envie. L’envie éventuelle si elle devait venir. Jeanne Morisseau, je comprends son geste, elle avait déjà écouté mes morceaux, elle savait où elle allait. Pas moi. Voilà comment les choses se passent et peuvent nous passer sous le nez. Car si j’avais su, en fait, ce n’est pas un mais deux voire trois exemplaires de son disque que j’aurais achetés. Et si je pouvais ce n’est pas un mais deux voire trois articles que j’écrirais pour tenter de vous le faire découvrir. Et si j’étais une maison de disque, si j’étais le foutu directeur artistique de je ne sais quelle maison de disque même indépendante même toute petite, je ressortirais ce disque en opérant tout un travail visuel et marketing adéquat autour. Je ferais comme les ricains et je doterais le disque d’une aura forte dès la pochette, ouais. Genre Marianne Faithfull sur A Secret Life (pochette top et disque jamais écouté), ou Rickie Lee Jones sur son premier album. Ou oui, Patti Smith sur Horses. En fait je vois assez précisément ce que ça pourrait donner : le portrait jusqu’aux épaules de l’artiste placée au centre d’une matière légèrement en relief, volumineuse et nervurée, comme évoquant le bois des arbres et la force du temps qui passe, un peu coulée de lave, mais couleur de lune, argentée comme sa chevelure ; l’artiste au centre mais d’une taille modeste dans ce temple-là et portant une main voire juste un doigt mystérieusement en suspens au-dessus de sa bouche, entre sa bouche et son œil frisant légèrement, ce doigt comme une jeune pousse. Voilà comment je vois ça. (Et c’est marrant, c’est un artwork que je verrais bien aussi pour Robert Plant.) Quelque chose qui se rapproche en fait, je m’en rend compte à l’instant, de la pochette du Me and Armini d’Emiliana Torrini. Et en-dessous de son portrait surmonté de l’inscription Jeanne Morisseau, j’aurais sobrement titré ça : Ma branche. Aussitôt publié, le premier volet de l’article a suscité un engouement spécial auprès de toute une petite communauté d’irréductibles pour qui les chansons bouleversantes et leurs découvertes sont encore quelque chose d’éminemment important. Quelque chose a poussé, qui était prêt. Et artistes comme auditeurs, ça nous a tous surpris de nous voir d’un coup si fleuris. Il y a Yann, qui a ouvert les festivités en s’exclamant : « Mais qui est cette fille ! Et ses comparses bien sûr ? Je rejoins les divisions en pâmoison ! Quelle force de réaliser ça, le grain de ma peau en est tout transformé... » Rita qui a retrouvé là « comme une douceur qui emmène loin » et avait « eu la même sensation avec Françoise Hardy ». Alain qui confesse direct : « À la première écoute, le choc : voix nue et vraie, musique habitée et envoûtante me ramenant à du planant ancien et très intime, quelque chose des premiers King Crimson. Immédiatement addictif. » puis précise après réécoute : « Non, ce n’est pas King Crimson mais tu vois l’idée, ce qui sidère dans cette beauté c’est l’intime et l’intense où ça te plonge et que ça vient chercher en toi. D’ailleurs c’est bizarre on dirait qu’il y a quelque chose de chrétien en elle, comme si parfois elle parlait à ou de Jésus. En tous cas merci pour ces deux ovnis ! » Et Fred Signac quelque part de boucler la boucle, lui qui parle de « cathédrale » à propos de ce disque et a eu la chance de la visiter « à sa naissance » : « Ces chansons m’ont fait pleurer d’émotion », dit-il, avant d’étayer que « Cet univers unique de beauté et de grâce fut créé par l’alchimie d'âmes pures et exigeantes. Au-dessus, bien au-dessus, tout là-haut... » Il y a des disques comme ça, on a besoin de savoir qu’ils existent, on ne va pas les écouter tous les quatre matins bien sûr, on n’a pas besoin chaque jour de pleurer ainsi d’émotion de sentir notre cœur mis à nu et rejoint par un tel océan de compréhension, mais on a besoin de savoir que de tels disques existent car au-delà de ce qu’ils sont en tant que musique et chansons, ils témoignent, justement telles des cathédrales, qu’il a été possible que des humains se retrouvent pour se mettre au service d’un pareil édifice. Ils témoignent de l’utopie réalisée de la communauté de corps et d’esprit qui a su concrétiser ceci. Oui, car un grand disque, c’est très souvent de grandes rencontres, un banquet d’hommes et de femmes prêts à se mettre en symbiose pour ce qui demande à éclore dans des proportions extraordinaires qu’on ignore, mais très haut, comme très bas. Pour T’es ma branche, outre Jeanne Morisseau (parole et musique), l’équipage fut ainsi assez considérable, le noyau dur constitué par Christophe Jouanno (guitare électrique, programmations, basse, e-bow, enregistrement), Eric Signor (clavier, accordéon) et Jean-Christophe Morisseau (guitare électrique) étant, qu’on en atteste, agrémenté des contributions de Clément Lopez (enregistrement des voix), Philippe Thiphaine (basse), Cécile Girard (violoncelle), Stéphane Malherbe (saxophone alto), Samir Habra (chœurs), Bruno Maurice Ruffinel (chœurs), Pierre Fardel (mastering), Jacques Crenn (conception graphique) et Ici d’ailleurs (pressage pochette). Il faut le dire, c’est tout cela un disque. Tout cela qui fait qu’ensuite il peut faire décoller, parce qu’il y a eu en son sein même, sa base, m’affirme Eric Signor, « l’ouverture à l’espace-poème de l’amour ». Et Jeanne Morisseau de finalement répondre aux deux premiers volets de ce texte après avoir pris soin de remercier chacun : « Merci immensément. Personne n’avait jamais parlé ainsi de cet album. Pour ma part, et ça rejoint un peu ce que tu dis, ces deux albums devaient passer inaperçus. Sur le moment ça m’a semblé injuste. Tant d’efforts pour rien. Je n’ai plus fait dès lors que des démos. Mais ces univers pouvaient-ils toucher l’autre à ce moment-là ? Qu’en était-il des labels existants ? Je préfère dire que je n’étais pas prête, fragile, et que mon élan vers le monde était incertain et maladroit. Je comprends cette autre énergie qu’il faut avoir en soi après la réalisation de l’œuvre pour pouvoir l’accompagner à l’extérieur. En la matière, j’ai fait ce que j'ai pu et après je n’ai plus pu ! J’ai dû me protéger. J’ai découvert d’autres armes... Mais tout reste. J’aime l’idée de l’intemporalité de ces chansons et tu vois, le temps joue en ma faveur à présent. La preuve c’est que tu viens de t’enticher d’un album de 2006 ! Et dire qu’on aurait pu passer à côté l’un de l'autre ! C’est fou hein ? »

Sylvain Fesson
Chronique de l’album auto-produit T’es ma branche



Jeanne Morisseau – Le retour d’une auteure-chanteuse-compositrice d’exception
Alors que Jeanne Morisseau finalise un nouvel album, il est urgent de (re)découvrir l’œuvre de cette auteure-chanteuse-compositrice dont le parcours musical est exceptionnel. Aux confins d’un folk à la profondeur sidérante et d’un rock expérimental, la musique – et les textes – de Jeanne Morisseau s’inscrivent dans un territoire poétique, dans lequel on retrouve les fulgurances de Lou Reed, la grâce – et parfois la rage – de Patti Smith. Sauf que Jeanne Morisseau transpose cette exigence nord-américaine dans l’imaginaire d’une langue française délivrée de son carcan musical strictement national. Il en résulte une œuvre d’une densité époustouflante, balayant au fil des disques, toute la richesse du folk. De sa lecture la plus traditionnelle, quasiment romantique, jusqu’à ses éclats les plus électriques. L’exigence littéraire de Jeanne Morisseau – qui est également une auteure et une peintre-aquarelliste – transparaît sans discontinuer au fil d’une discographie précieuse et rare. Au fil de ses propres textes d’une beauté intemporelle. De rencontres qu’elle organisa musicalement entre Rimbaud et Patrice de la Tour du Pin, entre Baudelaire et Victor Hugo, quand ce crossover littéraire et rock n’était pas encore évident comme il l’est devenu aujourd’hui. Au fil, aussi, d’œuvres totalement inclassables, prenant racines dans une culture classique profonde. Que l’artiste revisite à l’aune d’une musique et d’un chant toujours renouvelés. Son disque-démo « Sur la Roue d’Orphée » demeure ainsi un pur et vrai chef d’œuvre de poésie totale. Jeanne Morisseau a, disque après disque, livre après livre, construit un répertoire sans équivalent. Un répertoire faisant le pont entre traditions et post-modernité. Libérant des pans entiers de nos imaginaires, se jouant du temps – comme toute œuvre véritable. Et transcendant les modes passagères, au profit d’une vision singulière, mais hautement référencée. Dont l’exigence, à nouveau, ne cesse d’éblouir, et surtout d’élever. Loin des fractures temporelles, des frontières, comme de la mort. Chaque œuvre de Jeanne Morisseau étant le fruit d’un processus créatif hors du temps, le prochain disque risque fort de poser un nouveau jalon important dans un parcours sans faute. N’obéissant qu’à des impératifs artistiques.

Yan Kouton – Indiepoprock
Chronique des albums auto-produits T’es ma branche, Le duo des poètes, volet I et maquette Sur la route d’Orphée


« Il y a un souffle d'épopée comme savaient les créer les grands romantiques, celles et ceux qui composent des fresques somptueuses de mots et de musiques, hors du temps, dans une sorte d'arc en ciel dont chaque couleur ouvre une porte vers un chemin inconnu et attirant. C'est une traversée des grands espaces de la vie, de l'amour, entre symphonie et opéra des quatre points cardinaux des sentiments. C'est le même choc émotionnel ressenti avec la découverte des mots simples et intenses du poème d'Hugo Demain dès l'aube... ces mots qui touchent intimement dès qu'on a 9 ou 10 ans et qui restent pour toujours au cœur de la mémoire. Dans ses musiques il y a toute l'atmosphère des mystères et des légendes propres aux ivresses oniriques, des échos de landes aux horizons flous dans des brumes complices. « ... la solitude ne sera plus qu'un mauvais rêve d'oiseau déchu, pour le poète triste et rebelle, qu'un âpre souvenir de plus, quand deux hirondelles dans le ciel, se jurant amour éternel, éternelles et éternellement, s'adoreront dans le printemps, nous irons adorer la nature, sauvage, tout comme il se doit, honorer les bois d'aventures volages en d'intimes émois. »
(extrait de Tendre et épris l'un de l'autre, 14 minutes d'une déclaration romantico-lyrique). Dans la réalisation de son œuvre musicale, T’es ma branche, Pascale-Jeanne Morisseau a choisi les chemins de traverse, en totale liberté, sans aucune concession aux effets de mode, avec comme seul objectif la quête du beau et de ses envies, comme cet album Le duo des poètes consacré à Rimbaud et Patrice de La Tour du Pin.

Mais les phares peuvent fouiller les vallées creuses
Les sirènes crier de peur dans les tournants
Et les arbres surgir en tempêtes lumineuses
Rien ne m'empêchera de marcher plus avant »


Norbert Gabriel - www.ledoigtdansloeil.com
Chronique des albums auto-produits T’es ma branche et Le duo des poètes, volet I



« Ce nouvel objet musical laisse couler ses ondées comme une eau avant l'orage. Ses lignes de guitares acoustiques rappellent le courant folk rock d'une Suzanne Vega, d'une Patti Smith, voire d'une P.J. Harvey avec qui la Française partage les initiales d'un prénom composé. Cet équilibre se situerait donc au croisement d'une multitude d'influences anglo-saxonnes… Tout au long de ces onze chansons qui s'étirent au-delà des quatre minutes réglementaires, Pascale Jeanne Morisseau expose ses liturgies païennes… Cette Jeanne d'Arc, saint Sébastien de l'amour, avance cependant sur la bonne voie de l'abandon sensoriel avec douleur, désir et dévotion. »


Ludovic Perrin - Libération - Un été 2001 – 16/08/01
Chronique de l’album auto-produit Les noisettes folles