Poésies


Extrait de l'ouvrage


L’étrangère sans lui

Ce quelque chose en moi que je ne connais plus
Est-ce la nostalgie d’un amour disparu ?
Pourrait-il renaître au détour d’un regard
Ou d’un nom prononcé qui paraîtrait bizarre ?

L’évocation de moi à travers ces beaux jours
Où l’on brûle du feu d’un tout nouvel amour
Me rend tout vulnérable et fragile et souffrant
Car il y va du temps comme il y va du vent

Roi de l’irréversible, il emporte à jamais
Dans son souffle invisible, les caresses fanées
Et les baisers d’hier des amants qui s’aimaient

Las, l’homme est parti par la houle emporté
En laissant là la femme désœuvrée en sa nuit
Qui devint quelqu’un d’autre, étrangère sans lui





Quelque chose en moi

C’est quelque chose en moi que je ne savais pas
La lumière s’est faite, l’eau a lavé tout ça
Le vieux linge, pouilleux de mon âme en déni
De la réalité, la beauté de la vie

J’ai vu les éléments unifiés en moi
Leur force m’envelopper dans le tissu de joie
D’un décor enchanteur que l’on nomme univers
L’enfant ivre de jour avait les yeux ouverts

L’océan le roula dans ses masses d’écume
Il plongea tête en bas dans les gerbes de plume
Mais il fut dominé par lui de bout en bout
Ça, l’enfant le savait, l’adulte pas du tout

Ce fut dans son regard que je lus tout cela
Celui-ci était clair et ne simulait pas
Nos paires d’yeux agissaient comme de lourds aimants
Pour nos âmes affolées qui se reconnaissant

En vinrent à s’étreindre sans aucune pudeur
Sous un divin laurier qui ne vit que l’ardeur
De deux corps noués sublimés dans l’extase
De s’être appariés en accords comme en phase



Mots d’avant (extrait 1 de la pièce. Elle à lui)

De la réalité, vous vous êtes évadé.
La crise était mystique, vous aura submergé.
Il s’agit d’un transfert, le symptôme est banal,
Mais, la cause est sévère et décrit bien le mal.
C’est que l’âme est très pure, et ne veut pas admettre
Une réalité qui abrite le traître.
Pour vous, pas de Judas, ni de mauvais apôtres,
Mais le bien et le mal sont l’envers de l’autre,
Et se voient par principe coexister ensemble.
Vous ne divisez pas, vous dites : « Je rassemble ! ».
Vous cherchez le parfait partout dans l’imparfait,
Et si cela n’est pas, vous trafiquez les faits.
Mais c’est comme vouloir détacher de la vie
Ce qui est relatif à la mort ou l’oubli.
Dans ce monde terrestre, il y a dualité,
Vous ne pourrez jamais vraiment les séparer,
Ce quoique que vous fassiez, le nombre de vos larmes,
Il vous faut l’accepter et reprendre les armes.
La lutte sans relâche est gage d’absolu.
Pour les âmes sensibles, les justes, les élus,
Le vice est le terrain où vous devez vous battre.
Il serait si facile, sinon, de vous abattre.
C’est l’étape finale où vous êtes arrivé,
Le sens de ce rejet qui vous aura brisé.
Il n’est que provisoire et vous serez témoin
Des choses qui s’opèrent en vous poussant plus loin,
Dans votre humilité, et dans l’acceptation
De votre condition, ni d’ange, ni de démon.
Car Dieu vous a doté d’un don qui est le sien
De soigner, de guérir comme le médecin.
Vous avez son amour qui est comme une armure,
Et vous devez sauver les âmes de l’impur.
Vous devîntes à l’ensemble le rejeté soliste
Pour avoir poursuivi une chimère égoïste,
Parce que la souffrance, injuste ou née du vice,
N’était plus supportable, devenue destructrice.
Et vous avez tenté de recréer un monde
Où l’homme est un enfant, qui entre dans la ronde
D’une harmonie céleste, l’éden retrouvé
D’un idéal antique, où tout est unité :
La créature de Dieu, innocence et blancheur,
Est lavée dans les cieux, unie dans l’âme sœur.
Un monde où l’Infini rendait tout délectable
Et beau dans sa logique, gracieux, équitable.
Vous avez transcendé le décor imposé
Jusqu’à même toucher l’autre réalité
Celle de l’éternel où les âmes se fondent
Dans la béatitude, une terre féconde
Où le bien et le mal, duels en apparence,
S’unissent et se confondent en Sa toute puissance.
Mais vous avez péché car vous n’étiez pas prêt ;
De votre exaltation, là, vous faites les frais.
A tant avoir voulu l’union dans ce baptême
Vous avez effrayé la femme qui vous aime,
Et avez repoussé la femme que vous aimez…


L'Auteur





Auteure-chanteuse-compositrice depuis son plus jeune âge, Jeanne Morisseau a développé au fil des ans un rapport intime avec l'écriture. La poésie est venue en chansons ou en mettant des poètes - Rimbaud, Baudelaire ou Hugo - en musique, en parallèle avec ses propres textes. "À l'est", son premier récit aux Éditions Unicité (avril 2015), marque pour Jeanne un tournant décisif. Elle pénètre l'univers des mots seuls débarrassés de la musique. « Eaux d'avant », son premier recueil de poésie, reflète ce travail. Elle y livre, en un style dense et sensible, ses regards sur la vie, sa sempiternelle quête de l'âme moitié. "Eaux d'avant" regroupe une trentaine de poèmes écrits pour la plupart entre 2006 et 2008 et qui préfigurent une nouvelle ère d'écriture plus apaisée et solaire. Jeanne Morisseau surprend par l'unicité de son style et ses multiples palettes de langage alliant mots, chant et images dans des correspondances secrètes qui font d'elle une artiste accomplie, moderne autant que classique.

 

Site officiel : www.pascalejeannemorisseau.com 
Journal de peau : www.news2pjm.tumblr.com

 

A noter la collaboration étroite avec Véronique Sauger (dans ses "Contes du jour et de la nuit" sur France Musique) et le pianiste jazz, Laurent de Wilde, ou une autre incarnation encore du poème "Dubiak, rossignol !" pour illustrer collectivement une pièce de Janacek jouée par l'Orchestre Philharmonique de Radio France. A noter aussi la publication des poèmes "J'écrirai liberté" et "La poésie se meurt" dans la revue web Pop, Cultures et Cie du chroniqueur Matthieu Dufour.


Informations pratiques




Jeanne Morisseau
Eaux d'avant
Poésie
Collection Ouvre-boîtes
L'Echappée Belle Edition
Parution en Octobre 2015
74 pages
15 €
ISBN : 978-2-919483-35-8
ISNN : 2112-8820



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